Affiches sur la virilité et fantasmes du « gros pénis, gros seins » : une urgence d’éducation sexuelle ?

I. Quand la rue devient un manuel d’éducation sexuelle
A chaque feu rouge de Lomé, une scène se répète : des affiches tapissent les poteaux électriques et les murs, promettant des solutions miracles pour agrandir le pénis, retarder l’éjaculation ou encore augmenter la taille des seins et des fesses. Des slogans racoleurs, des numéros de téléphone et parfois des photos suggestives. En quelques secondes d’attente dans les embouteillages, un message implicite s’ancre dans l’esprit des passants : avoir un gros pénis serait un gage de virilité, de puissance sexuelle et de succès amoureux.
Mais derrière ces promesses alléchantes, une réalité inquiétante se dessine : une carence en éducation sexuelle, une vision biaisée de la sexualité et une détresse silencieuse chez de nombreux jeunes.
II. Quand la performance remplace le plaisir : une pression sur les jeunes
Pourquoi ces affiches fleurissent-elles autant ? Parce qu’il existe une demande réelle. Dans une société où la virilité masculine est souvent associée à la taille du sexe, où l’éjaculation précoce est vue comme une humiliation, et où la pression de « bien performer » pèse sur les épaules des jeunes hommes, beaucoup finissent par croire que leur épanouissement sexuel dépend uniquement de leur anatomie.
Des jeunes hommes, influencés par la pornographie, les discussions entre amis ou les moqueries subies, développent des complexes. Certains se tournent vers des produits douteux vendus à la sauvette, sans encadrement médical ni garantie sur les effets secondaires. Entre crèmes, tisanes, injections et interventions clandestines, ces pratiques peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la santé sexuelle et reproductive.
Du côté des jeunes femmes, l’hypersexualisation du corps est tout aussi préoccupante. Les injonctions à avoir des formes généreuses pour séduire ou plaire conduisent elles aussi à des choix dangereux : compléments alimentaires douteux, injections illégales et régimes extrêmes.
Un tel phénomène révèle une faille majeure dans notre système éducatif : le déficit d’une éducation sexuelle complète et adaptée à notre contexte culturel. L’adolescence est une période de quête identitaire où la construction de l’image corporelle est essentielle. Si cette image est façonnée uniquement par des mythes et des discours commerciaux, l’estime de soi en prend un coup.
Une bonne éducation sexuelle ne se limite pas à prévenir les grossesses précoces ou les infections sexuellement transmissibles. Elle permet aussi aux jeunes de :
- Comprendre le fonctionnement naturel du corps sans honte ni culpabilité.
- Déconstruire les mythes sur la taille du sexe et la performance sexuelle.
- Apprendre que le plaisir et la complicité sont plus importants que la démonstration de force.
- Développer une estime de soi basée sur autre chose que l’apparence physique.
Que faire pour être bien sexuellement ?
Face à cette urgence, voici quelques pistes pour aider les jeunes à s’épanouir sexuellement et émotionnellement :
- S’informer auprès de sources fiables : plutôt que de se fier aux affiches de rue, aux forums anonymes ou aux discours sensationnalistes, il est préférable de consulter des spécialistes : psychologues, médecins, sexologues ou éducateurs.
- Accepter son corps tel qu’il est : il n’existe pas de taille « idéale » pour un sexe masculin ou des seins féminins. L’épanouissement sexuel ne repose pas sur l’apparence, mais sur la confiance en soi et la communication avec son/sa partenaire.
- Eviter les solutions miracles et les produits douteux : beaucoup de substances vendues pour agrandir le pénis ou augmenter les formes féminines sont inefficaces et dangereuses. Si un vrai problème médical existe, mieux vaut consulter un professionnel de santé.
- Apprendre à écouter son corps et celui de son/sa partenaire : la sexualité n’est pas une compétition, c’est une rencontre. Plutôt que de chercher la performance à tout prix, il est essentiel de se concentrer sur le ressenti, la tendresse et le respect mutuel.
- Revendiquer une meilleure éducation sexuelle : les jeunes doivent pouvoir poser leurs questions sans crainte d’être jugés. Les écoles, les familles et les médias ont un rôle clé à jouer pour offrir une information fiable et apaisée sur la sexualité.
Briser les tabous pour construire une génération épanouie
Les affiches racoleuses sur la virilité et la performance ne sont que la partie visible d’un problème plus profond : le manque d’éducation sexuelle adaptée aux réalités et aux attentes des jeunes Togolais. Tant que ce vide ne sera pas comblé, des charlatans continueront d’exploiter la détresse de ceux qui doutent d’eux-mêmes.
Il est temps de changer la donne. Une sexualité saine commence par une bonne connaissance de soi, un respect du corps et une approche décomplexée du plaisir. Parlons en ouvertement et donnons aux jeunes les clés d’un véritable épanouissement !