La fratrie nous construit

La fratrie nous construit

L’influence de nos frères et sœurs est bien plus grande que nous l’imaginons. Ce que nous avons partagé dans l’enfance nous imprègne tous profondément. Entre fusion et rivalité, la fratrie construit notre identité.

Les Psychologues affirment que : « Dans la construction psychologique d’un individu, l’influence de la fratrie est bien plus grande que celle des parents. » Ses propos peuvent nous surprendre, tant nous avons été habitués, par la psychanalyse, à considérer les trajectoires individuelles selon un axe vertical (ce qui nous a été transmis – ou ce qui a manqué – de nos père et mère et des générations précédentes).

Cependant, nous sommes faits de la même pâte que nos frères et sœurs, en partie modelés, ou bosselés, par chacun d’entre eux et continuons, quand bien même la vie nous a éloignés, à voir le monde à travers le prisme de ces liens manquants.

« Ma sœur et moi, nous ne nous sommes jamais entendues, témoigne par exemple Pauline, 41 ans. Nous n’avons pas les mêmes goûts, pas les mêmes envies. Nous ne pouvons pas nous parler sans que cela ne dérape en dispute. Malgré tout, elle, c’est moi, et moi, c’est elle. Nous sommes comme les deux faces d’une même médaille. »

L’accent mis par Freud sur la problématique œdipienne – l’enfant rêvant d’évincer son parent de même sexe pour prendre sa place auprès du parent de sexe opposé – a longtemps conduit à ne regarder les relations fraternelles que sous l’angle de la rivalité.

Mais la fratrie se vit aussi, et peut-être avant tout, comme « une identité collective, un “nous” partageant le même inconscient », explique Marie-Laure Colonna, psychanalyste jungienne. Avant d’être traversée par des lignes de faille, elle s’appréhende originairement, dans l’intrapsychique, comme un tout indifférencié.

Mais pourquoi cette relation peut-elle être si forte ? « Parce qu’elle se noue en des temps immémoriaux, précise Françoise Peille, psychologue clinicienne et auteure de Frères et Sœurs, chacun cherche sa place (Hachette Pratique, 2011).

Il y a, dans les fratries biologiques, l’expérience fondamentale d’être issus d’un même ventre, lieu archaïque de constitution du lien fraternel. Frères et sœurs se représentent, dans le fantasme, comme autant de morceaux d’un même corps, confortés en cela par leurs ressemblances physiques dont souvent ils s’enorgueillissent – ou leurs parents pour eux. »

« Nous étions fiers d’être les frangins R., se remémore Renaud, 51 ans. On se déplaçait dans la camionnette rouge de mon père, tous les six à l’arrière, deux garçons et quatre filles du même moule. Ça faisait sensation. »

Si la fratrie imprègne les couches profondes de notre identité, constituant le socle de notre narcissisme, les relations entre frères et sœurs ne se vivent cependant pas dans la belle harmonie qu’évoque le terme de fraternité, tant s’en faut. « Je ne sais pas pourquoi nous admettons d’avance qu’elles doivent être affectueuses, déclarait Freud dans L’Interprétation des rêves.

Nous connaissons tous des frères ennemis, et nous avons souvent constaté que l’inimitié était apparue dans l’enfance ou durait depuis toujours. Bien des adultes, qui aujourd’hui aiment tendrement leurs frères et sœurs, ont vécu avec eux dans leur enfance sur un pied de guerre continuel. »

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