Le syndrome de l’imposteur : réalité ou mythe ?

Le syndrome de l’imposteur : réalité ou mythe ?

Vous est-il déjà arrivé de penser que vos réussites étaient le fruit du hasard, ou pire, qu’un jour quelqu’un découvrirait que vous n’êtes pas à la hauteur ? Si oui, vous n’êtes pas seul. Ce sentiment, qui touche de nombreuses personnes à travers le monde, porte un nom : le syndrome de l’imposteur.

Le syndrome de l’imposteur, bien que non classé comme une pathologie officielle, est un phénomène psychologique réel et largement étudié. Introduit en 1978 par les psychologues Pauline Clance et Suzanne Imes, il se manifeste par une incapacité à reconnaître ses propres réussites et une crainte irrationnelle d’être « démasqué« , malgré des preuves tangibles de compétence (Clance & Imes, 1978). Mais d’où vient ce sentiment d’illégitimité ?

Les origines du syndrome sont multiples et souvent ancrées dans des expériences précoces. Selon la théorie de l’apprentissage social, les messages reçus durant l’enfance ont une grande influence sur la manière dont un individu se perçoit (Bandura, 1977). Par exemple, les enfants surévalués peuvent développer une peur de ne pas répondre aux attentes, tandis que ceux qui ont été sous-évalués auront tendance à minimiser leurs réussites. Ces expériences précoces façonnent progressivement la perception de soi et influencent la manière dont les réussites futures sont vécues.

Parallèlement, la pression sociétale joue également un rôle clé. Dans des environnements professionnels compétitifs, où l’excellence est valorisée, il devient difficile de se sentir légitime. Ce phénomène est encore plus marqué chez les femmes et les minorités, souvent confrontées à des discriminations ou à des stéréotypes qui accentuent ce sentiment d’imposture (Sue, 2010). Ces groupes, en particulier, peuvent ressentir une pression supplémentaire pour prouver leur valeur, ce qui alimente leur doute. Pour illustrer cela je vous parlerai de deux individus que j’ai observé récemment, soit les individus A et B

A, un étudiant surnommé « A-parfait » par ses camarades. Depuis son plus jeune âge, A a été étiqueté comme un petit prodige. Ses résultats scolaires étaient toujours remarquables, obtenus avec une facilité déconcertante. Cependant, cette aisance est devenue une source d’angoisse. Il a grandi avec l’idée qu’un véritable succès exige des efforts considérables, ce qui le pousse à croire que ses propres réussites ne sont pas méritées. Aujourd’hui, A se retrouve paralysé par la peur d’être « démasqué » Ce qui le mets dans un état d’anxiété plus ou moins constant. Il évite de partager ses travaux ou de se mettre en avant, convaincu qu’il n’a fait que « tricher » en réussissant là où d’autres peinent. Cette phobie de l’exposition l’amène à limiter consciemment ou non ses capacités pour ne pas risquer de briller trop fort et attirer l’attention.  Ce comportement illustre bien l’impact du syndrome de l’imposteur : un auto-sabotage qui freine son épanouissement personnel et professionnel.

B, quant à lui, est un individu moyen sur le plan scolaire, mais avec une affinité remarquable pour la musique. Dès son enfance, il a montré un talent naturel pour composer des mélodies et exprimer des émotions à travers son art. Pourtant, ayant grandi dans un environnement qui valorisait principalement les performances académiques, B a toujours été comparé à des standards qu’il ne pouvait atteindre. Ces rappels constants de ses « faiblesses » académiques ont érodé sa confiance en lui. Aujourd’hui, B rêve de se lancer dans la musique, mais il est terrifié à l’idée de se confronter à l’industrie. Il doute constamment de la qualité de ses compositions, persuadé que son art sera jugé comme insuffisant ou incompris. Cette peur le pousse à s’enfermer dans une prison mentale où sa créativité est bloquée. Par exemple a plusieurs occasions il a décliné des opportunités de montrer son talent dans quelques spectacles locaux par peur de se ridiculiser.

Les origines du syndrome de l’imposteur ne se limitent pas aux facteurs externes. Elles résident également dans des traits de personnalité spécifiques. Par exemple, Ces deux cas montrent que le syndrome de l’imposteur peut se manifester de diverses façons, mais il est souvent accompagné d’un perfectionnisme exacerbé. Ce perfectionnisme, décrit par Frost et al. (1990), pousse les individus à fixer des standards irréalistes et à considérer chaque échec comme une preuve de leur incompétence. Pour A, cela se traduit par une sous-utilisation de son potentiel. Pour B, c’est une autocensure qui freine son expression artistique.  De même, les individus ayant une faible estime d’eux-mêmes ou une tendance à l’autocritique sont particulièrement vulnérables à ce syndrome (Seligman, 1991). Ces personnes vivent dans l’angoisse de ne jamais être « assez bons » Comme notre individu B.

Les conséquences du syndrome de l’imposteur sont bien réelles, surtout dans le milieu professionnel. Sur le plan individuel, il peut entraîner un stress constant, de l’anxiété (cas de l’individu A) et, à terme, un épuisement mental et physique (Clance, 1985). Les personnes touchées hésitent souvent à accepter de nouvelles responsabilités ou à se lancer dans des projets d’envergure, par peur de l’échec (cas de l’individu B). Paradoxalement, elles peuvent aussi surcompenser en travaillant de manière excessive pour prouver leur valeur, ce qui les expose à un burn-out.

Les entreprises, elles aussi, ressentent les effets de ce phénomène. Les talents sont parfois sous-exploités, car les employés souffrant du syndrome de l’imposteur évitent de prendre des initiatives ou de se mettre en avant. Ce manque de confiance en soi peut également les empêcher d’accéder à des postes à responsabilité. En conséquence, les organisations perdent des opportunités de croissance et d’innovation (KPMG, 2019).

Ce phénomène touche même les plus grands. Maya Angelou, écrivaine et militante, confiait : « J’ai écrit onze livres, mais chaque fois, je pense : ‘Ils vont découvrir que je suis une fraude. » De même, Albert Einstein, malgré ses découvertes révolutionnaires, estimait que son travail était « surestimé« . Ces témoignages illustrent que le syndrome de l’imposteur n’épargne personne, quel que soit son niveau de réussite.

Heureusement, il est possible de surmonter ce sentiment. La première étape consiste à reconnaître ses accomplissements, même les plus modestes, et à les célébrer. Modifier son discours intérieur, en remplaçant les pensées négatives par des affirmations positives, est également un moyen efficace de se libérer de ce fardeau (Neff, 2011). Du côté des entreprises, il est crucial de créer une culture de bienveillance, où les erreurs sont perçues comme des opportunités d’apprentissage plutôt que comme des échecs et aussi organiser des ateliers ou des séminaires sur la confiance en soi. Dans  nos universités et lycées il faudrait mettre en place des programmes de mentorat pour aider les jeunes et professionnels en devenir à mieux naviguer dans leurs carrières. Sur le plan personnel un accompagnement psychologique est fortement préconisé.

Le syndrome de l’imposteur n’est ni un mythe, ni une fatalité. Il reflète les pressions internes et externes que nous nous imposons. Bien qu’il soit une réalité psychologique, il est parfois amplifié par des facteurs sociaux et économiques spécifiques, il faut donc le traiter avec nuance. Mais en apprenant à reconnaître notre valeur et à accepter nos imperfections, nous pouvons briser ce cercle vicieux. Comme le disait si bien Maya Angelou : « Le courage est la clé pour libérer notre potentiel. »

Références

Bandura, A. (1977). Social learning theory. Prentice-Hall.

Clance, P. R. (1985). The imposter phenomenon: Overcoming the fear that haunts your success. Peachtree Publishers.

Clance, P. R., & Imes, S. A. (1978). The imposter phenomenon in high achieving women: Dynamics and therapeutic intervention. Psychotherapy: Theory, Research & Practice, 15(3), 241-247.

Frost, R. O., Marten, P. A., Lahart, C. M., & Rosenblate, R. (1990). The dimensions of perfectionism. Cognitive Therapy and Research, 14(5), 449-468.

KPMG. (2019). The imposter syndrome: The hidden barrier to success. Retrieved from https://home.kpmg/xx/en/home/insights/2019/03/imposter-syndrome.html

Neff, K. D. (2011). Self-compassion: The proven power of being kind to yourself. William Morrow.

Sue, S. (2010). Microaggressions and marginality: Manifestation, dynamics, and impact. Wiley.

Seligman, M. E. P. (1991). Learned optimism: How to change your mind and your life. Knopf.

Auteur : Manuel KOUEVI

Marc EFAVI

Je suis Yao Marc EFAVI. Faire face aux défis de l'heure, inciter à la vie altruiste, et conduire à la vie, tels sont les buts de mes écrits. Contactez-moi via yaomarcefavi@gmail.com ou sur le +228 90576852. Fb : Marc Fulbert Yao, LinkedIn : Yao Marc EFAVI. Le meilleur s'installe en vous !

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