Avez-vous peur d’être abandonné ?
Isolement, agressivité, suractivité… Et si, sans le savoir, vous étiez victime du syndrome d’abandon ? Une souffrance qui puise sa source dans l’enfance, et que les psys savent aujourd’hui décrypter. Explications et conseils pour s’apaiser.
« L’abandon est l’une des causes les plus courantes du mal-être et du mal de vivre. » Tel est le constat dressé par Daniel Dufour, médecin et animateur de stages de développement personnel.
À l’origine de cette souffrance, qu’il appelle « l’abandonnite », « il y a toujours une situation mal vécue au cours de la vie fœtale, de la prime enfance ou de l’enfance, qui n’est pas forcément un abandon effectif. »
Ici, c’est un père absent ; là, une mère débordée, un couple de parents fusionnels, ou encore l’arrivée d’un petit dernier, un séjour en pension, le décès d’un grand-père auquel nous étions particulièrement attachés.
Un traumatisme souvent minimisé
Ces événements, sans conséquences majeures pour certains, vont être traumatisants pour d’autres. Pourquoi ne sommes-nous pas égaux devant la peine ? « Chacun de nous a fait l’expérience de la séparation, explique la psychanalyste Catherine Audibert.
Nous nous sommes aperçus, souvent très tôt, que papa et maman n’étaient pas toujours là, à notre disposition, prêts à répondre à tous nos désirs. Mais nous n’avons pas vécu cette nouvelle solitude de la même façon.
Soit ceux qui nous entouraient ont perçu, pris en compte et atténué nos peurs enfantines?; soit, pour des raisons éducatives, morales, faute de temps ou d’une juste compréhension, ils n’ont pas accordé de valeur à nos angoisses. Et les ont renforcées. Ils n’ont pas pour autant fauté.
Ils ne nous ont simplement pas appris à nous séparer avec confiance et sérénité. Sans doute parce qu’eux-mêmes le vivaient mal de leur côté. »
Une crainte : être rejeté de nouveau
Cet épisode traumatisant, nous nous empressons de l’oublier, en le minimisant ou en le normalisant. Quoi de plus « normal », en effet, qu’un nouveau petit frère ?
Et de plus formidable que des parents qui s’adorent ? La tristesse et la colère éprouvées sont du même coup jetées aux oubliettes.
« À partir du moment où il n’y a pas de logique à éprouver ces émotions, il ne reste plus qu’à nier notre droit à les ressentir », constate Daniel Dufour.
Sauf que, même étouffée, l’émotion reste bien présente. « En surface, le raisonnement, notre éducation nous amènent à penser que tout cela n’est que du passé et doit être oublié. Mais à l’intérieur, ça “bout”. »
Une incapacité à vivre en couple
Il y a un domaine où la blessure va se faire plus sensible encore : l’amour. « Le couple est souvent le lieu où nous réglons nos comptes avec notre enfance, remarque Catherine Audibert (lire encadré). Et nous projetons sur l’autre les angoisses du passé. »
Pierre, 45 ans, vit dans la peur que sa femme ne le quitte mais collectionne les aventures « au cas où ».
Ange, 33 ans, rêve d’une relation au long court mais fuit l’engagement, certaine de ne pas être à la hauteur.
André, 27 ans, ne supporte pas que sa compagne lui concède des qualités, et tente de lui prouver qu’il est la pire personne qu’une femme puisse aimer.
« Cette souffrance a deux versants, explique Daniel Dufour. D’un côté, le sentiment de ne pas correspondre à ce que notre partenaire attend?; de l’autre, la certitude que la rupture est inéluctable. Et celle-ci, lorsqu’elle se produit, apparaît comme une nouvelle preuve que nous ne sommes pas aimables. »
Que faire d’un bagage si lourd à porter ? Afin de prendre la mesure de son propre degré d’« abandonnite » et tenter de s’apaiser, la psychologue clinicienne Andréa Filia propose un test et des conseils. Pour se pardonner un jour d’avoir été abandonné, et mériter aujourd’hui d’être aimé.
Apprendre aux enfants à se séparer
La tentation est grande de préserver à tout prix nos enfants de « l’abandonnite ». Mais attention à ne pas tomber dans l’excès inverse.
Selon Catherine Audibert, tout est question d’équilibre. « Il s’agit en fait d’apprendre à l’enfant à se séparer de façon sereine et confiante. Si vouloir l’émanciper avant qu’il n’en soit capable est dangereux, le surprotéger mènera à la même problématique abandonnique.
Dès son plus jeune âge, il est judicieux de lui laisser des petits moments à lui, même s’il s’ennuie, afin qu’il parte à la découverte de lui-même, qu’il développe sa créativité et sa curiosité.
Nous avons tendance à surinvestir l’enfant, à vouloir l’occuper en permanence, à lui expliquer sans cesse ce qui se passe autour de lui.
Nous oublions parfois qu’il est tout à fait capable de faire ses propres expériences. » Et d’apprendre à gérer la solitude et notre absence.
Par Aurore Aimelet
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