Quand le travailleur et son employeur ne partagent pas les mêmes valeurs de la reconnaissance au travail
Dans un centre d’ingénierie, un salarié est positionné sur une mission particulièrement difficile (nombreux incidents techniques, relation clientèle conflictuelle, etc.). Après s’être fortement investi (notamment en dehors de son temps de travail), il réussit à mener à bien la mission jusqu’à son terme.
« Le client était au final très satisfait des résultats du travail réalisé, si bien qu’il a programmé une réunion de restitution le 8 avril devant le comité de direction. Je savais que je devais être en déplacement à cette date, mais j’ai tout de suite accepté en me disant que je verrais pour me faire remplacer pour l’autre mission par un de mes collègues.
En revenant au bureau, j’en ai parlé immédiatement à mon responsable d’équipe. Il m’a dit qu’il reconnaissait mes efforts, que l’on en parlerait lors de mon entretien annuel, mais il a refusé de manière catégorique que je me fasse remplacer pour aller à la réunion.
J’ai eu beau insister, il n’a pas voulu. […] J’ai trouvé que c’était tellement injuste… J’avais travaillé le soir, les week-ends et on ne me laissait même pas bénéficier du retour positif du client. Depuis ce jour-là, je me suis dit que l’on ne m’y reprendrait plus… Je dose désormais mon investissement au regard de ce qui est mentionné dans ma fiche de poste et pas plus. »
Ekoni à tous,
Voici ce qui peut se passer en entreprise quand managers et salariés ne partagent pas la même valeur de la reconnaissance au travail…
Les systèmes de reconnaissance présents au sein des entreprises présentent trois principales limites :
En premier lieu, les acteurs de l’entreprise n’ont pas une connaissance suffisante des différents leviers de reconnaissance et n’ont pas conscience des enjeux qu’elle recouvre en termes de construction de l’identité professionnelle des salariés.
Ainsi, une majorité d’entreprises considèrent (à tort) que les deux principaux canaux de la reconnaissance passent par la rémunération et les différents temps d’échange programmés entre les managers et les salariés (entretien annuel d’évaluation, entretien professionnel, etc.).
De ce fait, les outils de reconnaissance mis en place sont en grande partie rattachés au système d’évaluation des salariés et portent sur les résultats du travail. Au regard de la complexité des critères d’évaluation et du manque de sens qu’ils ont pour certains salariés, ces systèmes peuvent au contraire être vécus davantage comme des outils de contrôle que comme des leviers de reconnaissance, et ce, d’autant plus dans le contexte économique actuel qui limite les marges de manœuvre sur les possibilités d’évolution salariale.
La reconnaissance du « travail bien fait », de la qualité du travail est souvent un levier trop peu utilisé au sein des entreprises. A contrario, certains salariés souffrent même « d’une qualité empêchée » (Yves Clot, 2010).
Il existe ainsi un réel décalage entre la perception qu’ont les directions de la reconnaissance et les attentes des salariés. Pour ces derniers, les notions de respect, de responsabilité et de sens au travail sont plus fréquemment évoquées. Ce manque de conscience des enjeux de la reconnaissance peut même aller plus loin dans certaines entreprises où apparaît un déni de l’engagement des salariés.
En témoignent les propos d’un manager :
Un directeur de banque
‘‘Témoignage
Ce salarié s’est surinvesti en faisant des heures supplémentaires… Je lui avais bien précisé que je ne pourrai pas les payer […] Ce n’est pas de ma faute s’il ne se sent pas suffisamment reconnu désormais. »
Une deuxième limite a trait aux conditions dans lesquelles s’exerce l’activité de travail des salariés (y compris des managers). Du fait de la logique « productive », les temps de production, d’échange et les conditions matérielles sont extrêmement figés et ne laissent que peu de place aux actes de reconnaissance professionnelle. À titre d’exemples : un manager n’aura pas toujours les marges de manœuvre suffisantes pour faire évoluer un salarié sur une nouvelle fonction ; un salarié pourra être « blâmé » s’il ne respecte pas les délais imposés pour aider un collègue en difficulté ou rendre service à un client, etc.
En dernier lieu et du fait de l’évolution permanente des organisations, les salariés sont souvent amenés à changer de manager de proximité. Le nouveau manager, pouvant ne pas avoir connaissance des efforts accomplis par le salarié, n’est pas toujours en mesure de le valoriser. Dans ce cas, il est souvent demandé au salarié de refaire ses preuves pour être reconnu.
Afin de dépasser ces limites, il est important de repenser la notion de reconnaissance au travail comme un acte quotidien au sein de l’entreprise.
À ce titre, voici quelques pistes des actes de reconnaissances professionnelles à travers neuf principes :
• donner des responsabilités aux salariés ;
• laisser aux salariés la possibilité de percevoir le sens de leur travail ;
• permettre aux salariés d’innover et de participer aux changements ;
• percevoir des marques de confiance de la part de la hiérarchie ;
• avoir le soutien de ses collègues ;
• avoir un travail reconnu par le client ;
• identifier et valoriser les compétences des salariés ;
• rémunérer les salariés pour leurs compétences ;
• offrir des perspectives d’évolutions professionnelles.
Sources
- Prévenir les risques Psychosociaux et améliorer la Qualité de vie au travail