Ma réaction à la publication de Kevin Mawussé DAH sur les réalités auxquelles nous sommes confrontés dans notre pratique en tant que psychologue clinicien et de la santé

Merci pour cette vaste connaissance partagée, Kevin Mawussé DAH. Notre métier de psychologue traverse de grandes difficultés, bien qu’il soit un pilier essentiel dans l’économie d’un pays. En effet, la santé mentale est au cœur de la productivité et de l’efficacité des individus. Elle joue un rôle déterminant dans l’épanouissement personnel, qui, à son tour, influe sur le développement de la communauté et l’économie nationale.

Les défis majeurs auxquels nous faisons face
1. La branche de connaissance du métier de psychologue : La principale difficulté est le manque de compréhension de notre métier. Beaucoup de housses existent sur la santé mentale et les personnes pensent que le psychologue ne s’occupe que des « fous » ou des mentaux malades. Cette perception erronée, entraine des conséquences comme :

• La stigmatisation des consultations psychologiques.
• La honte et la peur du regard social pour les personnes cherchant de l’aide.
• Le repli sur soi des individus souffrant de troubles mentaux, qui, par manque de soutien, évoluent souvent vers des états plus graves comme le stress chronique, l’anxiété, la dépression ou même le suicide.

2. L’influence de la religion : en Afrique, la religion joue un rôle majeur dans la vie quotidienne. Malheureusement, ce rôle peut parfois devenir un frein à l’accès aux soins psychologiques. Beaucoup interprètent les troubles mentaux comme des attaques spirituelles ou l’œuvre du diable. Cela conduit à des situations où des pasteurs, prêtres ou autres figures religieuses organisent des séances de prières et de jeûnes pour « chasser l’esprit maléfique », amplifiant parfois le problème au lieu de le résoudre.
Cependant, il faut nuancer : certains leaders religieux comprennent l’importance de référer les individus à des professionnels de la santé mentale. Une collaboration constructive entre psychologues et autorités religieuses pourrait aider à mieux encadrer ces situations.

3. Les contraintes financières : la pauvreté est un obstacle majeur à l’accès aux soins. Même si les consultations psychologiques au Togo sont aujourd’hui rendues plus accessibles grâce à des tarifs réduits, beaucoup hésitent encore, priorisant d’autres besoins vitaux comme la nourriture ou l’éducation.
De plus, même lorsque les consultations débutent, de nombreux patients abandonnent leur suivi, souvent à cause du manque de moyens financiers ou d’une faible adhésion aux prescriptions thérapeutiques.

4. Les facteurs individuels : le manque de discipline, la paresse ou une mauvaise compréhension des recommandations du psychologue sont également des obstacles à un traitement efficace. Ces facteurs pourraient être atténués par :

• Un meilleur accompagnement éducatif.
• L’implication des familles dans le suivi thérapeutique.
• Des rappels réguliers via des applications ou des messages.

Lors de mon passage au service de psychiatrie et de psychologie médicale du Centre Hospitalier Universitaire de Lomé, j’ai rencontré une patiente dont le diagnostic initial était un trouble psychotique avec délire mystico-religieux. Son mari, un pasteur, expliquait que dans son église, ils « guérissent » les maladies mentales par la prière. Pourtant, après trois mois de tentatives infructueuses, il a été conseillé de l’amener à l’hôpital.

Deux semaines après son admission, il a remarqué une amélioration significative : sa femme, auparavant agressive et incohérente, était devenue plus calme, rationnelle et avait exprimé son soulagement après nos entretiens. Ce pasteur a fini par reconnaître que leurs pratiques spirituelles pouvaient accompagner, mais pas remplacer, les soins Psychologique et médicaux et. Cette expérience montre que la foi et la science peuvent coexister, à condition que chacun reste dans son rôle.

Je ne pourrai finir cette intervention sans proposer des pistes de solution. Il s’agit de :
1. La sensibilisation et éducation

• Mener des campagnes pour vulgariser le métier de psychologue et briser les stéréotypes.
• Intégrer des modules de santé mentale dans les programmes scolaires.

2. Accessibilité financière

• Créer des centres publics offrant des consultations psychologiques gratuites ou subventionnées.
• Travailler avec des ONG pour financer les soins psychologiques.

3. Collaboration interdisciplinaire

• Établir des dialogues entre psychologues et leaders religieux pour mieux encadrer les croyances spirituelles des patients.
• Former les professionnels de la santé primaire à détecter et orienter les cas nécessitant une prise en charge psychologique.

4. Implication des politiques des décideurs

• Sensibiliser les décideurs à l’impact économique et social de la santé mentale.Élaborer des politiques publiques pour renforcer les services de santé mentale.

Conclusion

Les défis auxquels nous faisons face sont immenses, mais pas insurmontables. Avec des stratégies adaptées, une collaboration entre les acteurs clés et un accompagnement des pouvoirs publics, nous pouvons améliorer l’accès aux soins psychologiques et transformer la perception de la santé mentale. Je reste ouvert à toute discussion pour approfondir ces réflexions et trouver des solutions ensemble.